(post de 2010, réactualisation 2015 en bleu)
Depuis fort longtemps, en fait depuis l’invention de la céramique industrielle au début des années quatre-vingt-dix, chaque fournisseur de couteaux essaye de tirer la couverture à soi en prétendant que son aiguisage est plus pérenne que celui des autres. On observe à l’aube de cette décennie une inflation de satisfecits rocambolesques.
Nous ne citerons que les affirmations totalement infondées du couteau céramique “incassable” ou “aiguisé à vie” que l’on rencontre de plus en plus souvent, y compris par ceux qui avant disaient “évitez tout choc” à la place. Or, voilà qu’on sort des couteaux soit-disant “aiguisés 25 ans” avec un petit astérisque sur le document commercial qui renvoie sur le site du fournisseur où on fait remarquer que celui-ci ré-aiguise gratuitement (moyennant frais de port aller + retour) si les précautions d’usage sont respectées : éviter tout choc sur le tranchant de la lame (c’est un peu difficile quand même dans une vie de couteau) et éviter le contact avec les os et les surgelés. La société se décrit ainsi sur Internet :
Evercut | Les couteaux au tranchant garanti à vie
La marque en soi est évocatrice, est-ce justifié ?
Le tranchant garanti à vie ci-dessus est mensonger et le terme aiguisé 25 ans que l’on trouve dans la documentation impropre à la situation, cela signifie en lisant entre les lignes “service après-vente de qualité”. D’ailleurs, c’est en contradiction avec la phrase suivante qui figure dans le document en question “coupe garantie à vie“. On peut, sans prendre trop de risques affirmer de façon péremptoire qu’un couteau est garanti à vie hors défaut d’usage, c’est le cas de beaucoup de couteaux y compris les bas de gamme, mais cela ne veut pas dire qu’il l’est dans les faits. Car il est bien précisé ensuite que “comme tous les matériaux d’extrême dureté, la zone du tranchant peut s’ébrécher ou se fissurer légèrement en fonction des conditions d’utilisation“. Si vous achetez une voiture, les bosses et rayures que vous mettrez dans la carrosserie ne sont pas garanties non plus, c’est évident. Ce qui incommode particulièrement c’est que ce fabricant – qui sait pertinemment que c’est impossible l’acier étant trop dur – interdit le ré-affûtage personnel par tout moyen. Cela équivaut donc à renvoyer systématiquement le couteau quand il sera émoussé, admettons au mieux 2 fois par an, 20 euros aller-retour, au bout de 20 ans il vous en coûtera près de 1000 € prix d’achat du couteau compris. A ce prix on peut s’acheter une panoplie de couteaux et une pierre à aiguiser de qualité sans les inconvénients de devoir faire sans son couteau durant le temps que dure le ré-affûtage. Cette réflexion vaut aussi pour la céramique qui ne s’aiguise qu’en usine. Si un revendeur ou un fabricant vous propose quelque chose “à vie” y compris une garantie, il doit à notre humble avis prouver que son article tiendra le coup. C’est indéfendable en justice le jour où quelqu’un veut se faire des indemnités à peu de frais. Il est même certain que les produits bas de gamme usurperont bientôt cette garantie à vie étant donné que la garantie s’éteindra avec la disparition du produit du catalogue. En somme, “à vie” ce n’est pas sérieux et tendrait même à s’auto-discréditer.
Enfin, pouvoir couper longtemps avec ne signifie pas forcément couper mieux.
Le produit dont il est question plus haut ne voit pas son fil s’améliorer, ce qui est à notre avis en contradiction avec d’autres tests CATRA ISO 8442.5 effectués par une société japonaise. La particularité d’un bon couteau japonais, c’est que plus on le passe sur la pierre, meilleur est le tranchant. Prenons par exemple le cas du couteau P02 que nous commercialisons, un acier pas trop dur, ni tendre comme les aciers occidentaux.
Son ICP de départ qui était de 116 lors des tests du laboratoire anglais, se bonifia à 794 après 60 passages sur la pierre. Les couteaux non-aiguisables autrement qu’en usine ne pourront eux jamais dépasser le niveau initial. Nous signalons ce test dans une autre Faq et il est à noter que ce couteau s’est bien mieux comporté dans cet exercice que des aciers plus durs, ce qui est normal. C’est aussi ce que dit Marc Haeberlin qui s’y connait en couteaux.
Depuis cette date, les clients du “couteau qui coupe éternellement” ont déchanté (on s’en aperçoit au travers des reviews de moins en moins positives sur des sites comme Amazon, dont les premiers contributeurs n’étaient pas neutres soi-dit en passant). En 2015, Chroma part de cette idée, bonne au départ si ce n’était le discours et son inefficience, et lance le tranchant, non pas éternel, mais perpétuel (soyons modestes), avec Kiseki. Cette fois-ci, l’utilisateur peut perpétuer le tranchant de son couteau soi-même s’il doit être remis d’aplomb.