Publié le

Spécificités d’aiguisage

Les grands principes

La nature a horreur du vide. Chroma France a perçu très tôt la disparition programmée pour cause de départs à la retraite des affûteurs professionnels et des risques que cela engendrait (remplacement de professionnels aguerris par des rémouleurs insuffisamment formés, désarroi des consommateurs car lien rompu du besoin d’entretenir leurs outils durant des décennies de consommation jetable). C’est pourtant depuis des millénaires un acte majeur de l’espèce humaine qui s’était perpétué jusqu’au XXème siècle. Le besoin d’outils tranchants est aussi vieux que le monde, un des marqueurs du passage de l’être primitif à l’homo habilis il y a 2,5 millions d’années, dont les étapes sont connues : il y a 300.000 ans les premières lames en obsidienne, plus tranchantes que les lames d’aujourd’hui ! (100 fois plus fines que les lames de rasoir, matériaux toujours utilisés de nos jours pour la chirurgie de l’oeil ou en médecine microtomique).
Pionnier de la vente de couteaux japonais Chroma France s’est lancé le premier dans la fabrication de vidéos d’aiguisage grand public et des modes d’emploi associés pour mettre un frein à cette continuelle dégradation de notre rapport à une qualité de coupe pérenne, lirehaga en japonais. Le travail semble payer puisque l’industrie coutelière a suivi le mouvement, délaissant peu à peu ces réflexes qui ne mènent à rien, comme les fusils, hélas toujours en démonstration dans les formations hôtelières au corps défendant des futurs diplômés qui complètent eux-mêmes une fois dans le monde du travail. Nous pouvons aujourd’hui approfondir certains détails et notamment les particularismes de modèles.

Nous débutons par un couteau emblématique, le Santoku
Le Santoku est un couteau Chef japonais (ces remarques valent par conséquent aussi pour le couteau Chef français), donc symétrique des deux côtés, V-edge d’une quinzaine de degrés quand c’est bien fait, 20 à 25° chez certaines imitations primaires chinoises ou occidentales. Commençons du côté gauche du couteau pour un droitier, partie la plus proche du manche en premier. Le couteau presque à plat, dos vers soi. Index, médium et annulaire posés près du fil sur la face droite. Mouvements de va-et-vient. Puis le segment du milieu. Puis le devant en suivant la géométrie de la ligne de coupe propre à chaque couteau (qui se constate à l’oeil). Vous trouverez sur www.couteau.info le processus complet. Un tuyau : vérifiez la formation de morfil de l’autre côté, s’il n’y en a pas c’est que l’angle est trop bas. Retournez ensuite le couteau pour faire le côté gauche. Pour le polissage idem en appuyant moins fort, jusqu’à ce qu’une zone brillante se forme. Démorfilez une ou deux minutes jusqu’à ce que le fil soit bien droit sans aspérité.
Pour le couteau Deba, c’est différent. Le Deba est très méconnu, il remplit pourtant de nombreuses fonctions. C’est notamment le seul japonais avec un dos épais permettant le gros oeuvre autant que de la précision avec une pointe très arrondie. Couteau avec biseau 25-30° ce qui modifie sensiblement la façon d’aiguiser. Car l’angle est prédéfini. C’est plus facile, il suffit de poser le couteau sur la pierre. Vu l’épaisseur de la lame il faut par contre exercer plus de pression. Le reste est pareil, mouvements droits sauf la pointe en arrondi, puis enlever le morfil lame côté gauche à plat sur la pierre. Nous rappelons que la pierre doit être bien plane.
Yanagiba ou sashimi. Angle de 25 à 30°. Comme le Deba, pré-défini. Pour ce couteau, démarrez devant à la pointe (kissagi). Posez le couteau sur la pierre et faites des mouvements en demi-cercle sur environ 8 cm, ou plus si la pierre est plus large comme une ST-1000 de Chroma, bien pratique pour les longues lames, en vérifiant avec le doigt que des aspérités se forment sur le côté opposé. Pour le bas et le milieu l’aiguisage est identique au Santoku (allers-retours droits), et pour la suppression du morfil, au Deba. Remarque : pour ces couteaux biseautés on n’emploie jamais de gros grain sur le côté concave gauche.