Publié le

Acier carbone / 2

Notions sur l’acier carbone

Cet article complète celui du 14 mai 2010 et du 21 août 2009 sur l’acier-sable. D’où vient ce phénomène que le couteau japonais recueille aujourd’hui autant de suffrages ? 

Tout d’abord il nous faut revenir un peu en arrière.
 

Récapitulation :

 
L’acier, c’est du fer + carbone, qui s’obtient en brûlant du charbon de bois. Seul combustible non polluant pour les aciers, sur lequel est versé du fer. Pendant de longues années, du début de l’Age de fer jusqu’à la Révolution industrielle, les différences de qualité ne découlaient que des propriétés des minerais. On allait s’approvisionner là où était produit l’acier correspondant au produit fini qu’on désirait élaborer. Le Japon, isolé du monde jusqu’en 1854, se développait à l’écart de ces considérations. On y a très tôt différencié les alliages. Une première grande différence entre le continent et l’archipel facilitait cela : l’acier européen provenait de roches minérales contenant des oxydes de fer (le fer n’existe pas à l’état natif). L’acier japonais s’obtenait quant à lui à partir de sable ferritique, appelé acier-sable. Celui-ci présente jusqu’à 15 fois moins d’impuretés (soufre, phosphore), convenant donc mieux à la fabrication d’acier de coutellerie, puisqu’il faudra expulser ces impuretés au marteau plus tard. Supériorité matérielle d’origine donc.
 

Second critère :

 
Le processus d’élaboration. L’évolution économique en Occident fait se tourner les industriels vers les débouchés les plus rémunérateurs au long des siècles derniers. Phénomène qui sera encore accentué par l’émergence de grandes surfaces raisonnant marché de masse, et de changements de comportement et de modes de consommation (émergence du lave-vaisselle, cas de l’inox qui ne rouille pas au détriment de la qualité de coupe). Tandis qu’au Japon on ne sélectionne après combustion du minerai que les pépites contenant entre 0,6 et 1,5 % de carbone (l’acier Tamahagane = acier précieux en japonais).
Les Occidentaux très vite se limitent à 0,4 % dans le meilleur des cas. Cela menant à la fin du XXème siècle à une surproduction d’aciers médiocres et la disparition totale des petites coulées. La dernière aciérie de Sheffield, Angleterre, ville qui au XVIIIème siècle produisait près de la moitié de l’acier européen. Elle disparaît en 1980. Dans les années 2000 ce sont les derniers bastions, Solingen et Thiers, qui souffrent lorsque le marché se retourne vers le haut de gamme.
 

Troisième critère :

 
Le savoir-faire technique ou main de l’homme. La coutellerie est un art difficile. Les étapes de forge, de trempe, de revenu, polissage et d’affûtage requièrent un ensemble de compétences que la machine ne peut remplacer. Le Japon a su conserver le haut niveau de ses artisans et entretemps le fossé s’est creusé. Terre du katana et du poisson frais, la tradition s’est perpétuée car leur cuisine repose essentiellement sur la qualité de découpe de la nourriture (cas extrême du poisson fugu où l’on peut décéder s’il est mal coupé). Ils nous ravissent chaque jour par leurs traditions en même temps qu’ils acculturent les nouvelles technologies. Ils pensent développement durable en harmonie avec leur île très exposée aux facéties de la  nature. Pour eux un couteau doit durer. Ils ont même des termes dans leur langue qui rappellent ces notions de limitation de déchets manufacturés. Or pour faire durer, il faut des mains expertes.